Nous formons un duo, un duo flûtes et claviers classiques. Mais des duos, il y en a beaucoup, n'est-ce pas : alors, qu'est-ce qui nous caractérise ?
D'abord une entente, enrichie par vingt années d'amitié et de musique partagée lors d'innombrables concerts. Des passions communes, celle de la musique d'abord bien sûr, que nous entendons avec une sensibilité proche ; celle des gens aussi, de nos publics, qu'il s'agisse de mélomanes, d'enfants, de médecins réunis en congrès, avec qui nous nous plaisons à rentrer en contact, à converser, avec des notes et avec des mots. Passion de l'enseignement enfin : nous connaissons tous deux la joie de voir jaillir l'étincelle de la musique dans le coeur de certains élèves et de nous employer à souffler sur cette étincelle et à en guider l'utilisation.
D'autre part nous jouons chacun plusieurs instruments. Marie-Luce Groleau joue aussi bien de la flûte moderne que du traverso (la flûte baroque en bois), et de la flûte "intermédiaire" (du début du XIXème siècle). Pascal Tufféry joue aussi bien du piano que du clavecin et de l'orgue. Pas en dilettante : nous avons chacun plusieurs prix du conservatoire, étape indispensable, mais au-delà de laquelle il faut cheminer, le plus loin possible, par des recherches incessantes, et par un travail sur soi.
Quelle signification profonde cela a-t-il que nous pratiquions chacun notre instrument de manière plurielle ? Nous cherchons, à travers ces instruments divers et parfois anciens à retrouver l'émotion initiale, celle qui a guidé la main d'un compositeur il y a dix ans ou il y a trois siècles, et cette émotion, captée à sa source, à la partager avec des hommes et des femmes d'aujourd'hui. Oui, cette variété infinie d'émotions sans cesse changeantes comme nos états d'âme, la vivre et la transmettre avec un maximum de sincérité.
La musique est peut-être ce que l'on a inventé de mieux pour faire rêver, pour élever, loin de notre quotidien et parfois de notre époque. Et, pour autant, la musique nous parle de nos préoccupations les plus actuelles, voire les plus pressantes. Tisser le lien entre le ciel et la terre est son privilège. Cela n'a rien d'une errance dans le milieu de l'idéal. C'est concrètement ce que nous éprouvons lorsque nous jouons, avec nos moyens qui sont ce qu'ils sont, perfectibles, et ce que nous rapportent, avec leurs mots, nombre d'auditeurs. C'est pourquoi nous faisons ce métier, qui est beaucoup plus qu'un métier.